Gabin, 19 ans « Dans les boites, tout le monde est debout, avec des verres en plastique. »

Gabin

Parfois, c’est fou comme le hasard fait bien les choses. En rentrant dans un magasin par exemple. Je suis tout de suite repérée comme une étrangère. C’est comme ça que la personne à l’accueil me présente Gabin, un petit stagiaire frenchie à Birmingham. Le garçon est tout jeune, donc un peu timide. Mais il est travailleur et il sait où il va, donc il devient plutôt à l’aise quand je lui pose des questions. A la veille de son dernier jour de stage, il est même assez content de faire une sorte de bilan de ses deux mois passés à Birmingham.

Challenger

Il est arrivé au début du mois de janvier dans cette petite entreprise d’impression sur Stratford Road. Elève de deuxième année en BTS Assistant Gestion, Gabin a profité de l’expérience d’un de ses prédécesseurs pour dégoter ce stage. « L’année dernière, il y avait déjà quelqu’un du BTS qui était venu. Il avait envoyé des CV partout dans l’Angleterre, un peu au pif, et c’est ici qu’on lui avait dit oui. Il m’a refilé le tuyau, j’ai contacté le boss et il a accepté. Il est trop cool le boss. Là il est en vacances au Pakistan. Ils sont tous pakistanais ici ! »

Le petit parisien n’était jamais venu en Angleterre et n’avait même jamais quitté la France. Gabin, très sérieux, cherchait à tout prix un stage à l’étranger. « Dans mes études, je réussis assez bien, le but c’était de me mettre un nouveau challenge. Histoire de mettre la barre un peu plus haute vous voyez. »

Devant mon étonnement sur sa jeunesse, il esquisse un sourire. « Au départ, c’est clair, c’était vraiment difficile. Mais au fur et à mesure je me suis adapté. Avec l’anglais par exemple. Je le parlais, mais que des notions basiques, ce que t’apprends à l’école quoi. Et puis j’ai progressé. Même si là mon niveau n’est pas très très bon, ça me suffit pour me faire comprendre et comprendre les gens. C’est cool. »

D’un air posé, il me regarde en jouant avec un stylo sur son petit bureau. « En fait, je savais que les premières semaines allaient être difficiles, mais après ça s’est fait tout seul. Tranquillement. »

L’auberge espagnole

Étonnamment, ce n’est pas tellement Birmingham qui l’a marqué à son arrivée. Il a plutôt eu quelques soucis dans son logement. « Mes premières impressions n’étaient pas très très bonnes mais ça n’était pas à cause de la ville. En fait, j’ai débarqué dans la chambre que j’avais trouvée par internet et là surprise, c’était encore en travaux ! Il y avait des ouvriers qui bossaient dedans quand je rentrais le soir ou même la nuit pendant que je dormais… La douche n’était pas finie, et ma fenêtre, c’était une planche de bois. »

Rapidement, tout devient nikel et avec le recul Gabin ne regrette pas sa collocation. « Une grande maison située à une quarantaine de minutes en bus d’ici, entre Birmingham et Aston. C’était super : des belles parties communes, et des chambres perso avec toilettes et salle de bain. En tout, on était vingt-deux, que des étrangers et que des étudiants. Il y avait un kenyan, un camerounais, plusieurs chinois… C’était vraiment l’auberge espagnole en plus grand. »

Au milieu de ce petit monde, le Français est content de trouver deux compatriotes. « Heureusement, il y avait deux françaises dans le lot. En plus, des parisiennes, comme moi. Ça m’a un peu sauvé, parce qu’au début, c’était un peu dur d’échanger avec les autres étrangers. Chacun parle un anglais différent, avec des accents plus ou moins forts. Très rigolo comme ambiance. »

Au boulot !

La première semaine, Gabin ouvre grand les yeux. Par la fenêtre du bus qui l’emmène à son stage, il observe les différents quartiers de la ville. « J’ai un peu halluciné sur l’environnement. Je voyais défiler des maisons qui tombaient un peu en ruine, les détritus. Mais bon, c’était les premiers jours, après tu ne fais plus gaffe. Il faut dire que mon stage de première année, je l’ai fait dans un écopark en France, il y avait un château, de beaux espaces verts… La comparaison est un peu rude pour Birmingham ! »

Tout de suite, il apprécie la vie dans l’entreprise.  » Les gens me mettent à l’aise, ils parlent doucement pour que je comprenne, ils essayent d’articuler pour me faciliter la tâche. Et en plus, ils me donnent du travail intéressant, ce qui n’est pas toujours vrai pendant les stages… J’ai fait une étude comparative entre les outils de marketing anglais et français. Je me suis très bien adapté au travail ici. »

Par ici la sortie

Avec ses horaires de businessman, le stagiaire ne peut pas tellement flâner. « J’ai visité un peu le centre ville, à pied. Je me suis baladé, mais sans rentrer dans les musées. Tout seul, c’est pas très drôle. Même si dans la maison, il y avait beaucoup d’étudiants, moi c’était 9h – 18h tous les jours. Personne ne travaillait dans le monde professionnel, et donc personne n’avait mes horaires. C’était pas simple de se retrouver, aller en ville ou au cinéma ensemble la semaine. »

Un week-end, il se fait emmener dans une des boites de nuit de la ville. « J’ai essayé une fois, et ça m’a vraiment pas plu… ils écoutent pas la même musique que moi, il n’y pas de place pour s’assoir… J’ai détesté et je n’y suis plus retourné ! En fait, ce n’est pas la même façon de faire, tout le monde est debout, avec des verres en plastique ! Moi, j’aime être posé à une table, tranquille. »

Même les fameuses habitudes vestimentaires des Anglaises la nuit n’ont pas satisfaites le sérieux jeune homme. Un peu gêné, il m’explique. « Evidemment cela me plait parce que je suis un gars, mais franchement… comment t’expliquer… Je ne vais pas dire que c’est pas beau, parce que c’est pas mon style, mais je n’aime pas ! C’est court, et je crois qu’il n’y a pas d’autres mots… vulgaire. »

Busy Bus

Pour Gabin, qui n’est donc pas beaucoup sorti, sa vision des Anglais s’est forgée à travers ses trajets en bus, et sur ce thème, il est catégorique, il existe une véritable politesse anglo-saxone. « En deux mois ici, avec un aller-retour en bus par jour, je peux vous dire que j’en ai vu des gens se lever pour laisser leur place aux autres. C’est fou. Ils laissent passer ceux qui descendent, se regardent même parfois en souriant, remercient le chauffeur en sortant… Tu ne verras jamais ça à Paris. »

En revanche, les compagnies de bus ont encore des progrès à faire selon lui. « Le réseau, c’est catastrophique. Je ne sais pas si c’est les bouchons. Toute la journée, je voyais passer les bus devant le boulot. Et quand je devais partir à la maison, plus rien ! Les premières semaines, je n’ai jamais réussi à arriver à la même heure une seule fois au travail. Vingt minutes en avance, un quart d’heure en retard… Et pourtant, je prenais exactement le bus à la même heure ! Il n’y a aucune régularité. »

A la veille de son retour en France, Gabin a pris en note les numéros de téléphone de ses collègues. « Je vais garder des contacts. D’abord pour mon lycée, mais aussi parce que je me suis bien entendu avec eux. Si je reviens en Angleterre, j’aimerai bien repasser ici pour faire un bonjour. »

Le parisien ne se voit pas tellement vivre à Birmingham, en revanche pourquoi pas continuer sa découverte du pays. « J’aimerai bien continuer à perfectionner mon anglais, c’est important pour l’avenir. Mais bon, en deux mois ici, il a fait quand même super froid. J’ai eu de la neige pratiquement tout le temps… J’irai bien plus au Sud quand même. »

Sur son bureau, le téléphone sonne. Gabin ne répond pas. « Il ne faut pas rêver quand même, en général, les appels, c’est pas pour moi, et c’est pas moi qui réponds ! » La boutique va maintenant fermer et il doit retourner à sa colocation pour finir sa valise. « Je suis surtout content de rentrer chez moi pour manger autre chose que des hamburgers, des frites ou du poulet frit. Déjà que tout seul c’est pas facile de se faire à manger, mais alors ici, où tout le monde ne mange que ça toute la journée… »

3 réflexions sur “Gabin, 19 ans « Dans les boites, tout le monde est debout, avec des verres en plastique. »

  1. J’aime tes personnages, tes rencontres hasardeuses et la façon généreuse de parler de ces français en exil qui en deviennent attachants…Quelle bonne idée!

  2. Bonjour, je suis étudiante en journalisme et je viens à Birmingham avec ma classe pour une semaine en mai. J’aurais souhaité faire une interview de vous durant notre séjour. Pourriez-vous me contacter s’il vous plaît ? Merci 🙂

  3. Bonjour, je suis étudiant en BTS assistance technique d’ingénieur et puisqu’il reste des bourses erasmüs de disponible je souhaite me donner l’occasion de rattraper mon niveau d’anglais en partant en angleterre pour un stage. L’imprimerie étant un domaine qui m’intéresse et dont j’aimerais rencontrer le milieu je souhaiterais contacter l’entreprise en question ici. Pourriez vous m’aider sil vous plaît ? Merci.

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